Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jean Colloch
Jean Colloch
Publicité
Derniers commentaires
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 13 395
28 avril 2014

Quelques lignes du roman....

IMG

Nantes – 17 h 30

Devant ses yeux où luisait la frayeur, l’araignée glissait sur le sol. Les mains à plat ventre. Deux petits diam’s en boucles d’oreille. Les écrins renversés à terre. Le spot du plafond jetait ses éclairs blafards. Face contre le carrelage, sa petite robe boule Sun light rose bonbon froissée laissait deviner le galbe des cuisses bronzées. Un sucre d’orge géant roulé dans son papier froissé. On aurait dit que le papier d’emballage avait été enlevé pour révéler la friandise attendant d’être croquée… La poitrine envahie par la sourde panique qui refluait vers ses membres, elle réussit à compter huit grosses pattes velues. Les regards angoissés se tournaient ostensiblement vers le placard. Elle songea bêtement à son sac à main. Puis à Jean Baptiste Adamsberg. J-B aurait su exactement quoi faire à ce moment-là.

Marie, la jeune employée intérimaire était allongée près d’elle, les mains presque à la toucher. Derrière eux, l’écho de l’alarme stridente hurlait dans la bijouterie. Les grosses chaussures

rangers noires marchaient dans les débris de verre des vitrines défoncées. Un ordre aboya le signal du départ. Les visages cagoulés, silencieux, l’allure farouche, emportaient les sacs en plastique. Colliers, gourmettes, bagues en or et métal précieux. Tout avait été raflé. Un préjudice de plusieurs milliers d’euros. Seuls, les bijoux fantaisistes qui n’intéressaient personne gisaient à terre. Les chaussures montantes aux oeillets d’acier enjambèrent lourdement les corps étendus. Sanglots nerveux de l’intérimaire. Dans la rue de l’Abreuvoir, les passants n’avaient rien remarqué. Le signal du départ clignotait bizarrement au rouge fixe.

Pourquoi était-ce si long ? soupirait Marie, sous les ricanements diaboliques des trois gaillards. Elle sentit une vague de frémissements bourdonner jusqu’à ses tympans. Des voix indistinctes, des formes noires chuchotaient derrière elle. Marie s’interdisait de réfléchir. Pas le temps de défier la mort. Le doute tortueux perlait, pareil aux gouttelettes de sueur, sur ses tempes brûlantes. Si jamais, ils décidaient de les abattre ? Toutes les deux.

La joue aspirée par la mosaïque du damier de carrelage. Il avait appuyé la gueule luisante du canon écaillé sur sa nuque. Au bord de la crise de nerfs, elle avait vu du coin de l’oeil, cette bouche s’avancer. Elle avait même reconnu la morsure du métal noir se promener dans le creux de son cou. Des lueurs erratiques arc-en-ciel vibraient sur le bas des murs, plongeant leurs flammes irisées sur la peau cuivrée des cuisses de sa voisine.

Demain, ne serait-il pas trop tard ?

Ce travail dans la joaillerie, Marie s’était battue depuis six mois pour l’avoir. Une vocation née d’un souvenir fugitif passé à Paris. Place Vendôme – la griffe de joailliers prestigieux. Caresser des pierres exceptionnelles dans l’univers du luxe et de la mode. Six mois d’envois de candidatures différentes. Des entretiens professionnels devant des employeurs patibulaires. Réponse sans lendemain. Puis, il y a eu cette rencontre avec madame Griffor, l’épouse du joaillier. Une allure de bourge dans des tenues exubérantes. Des bagouses à tous les doigts. Le curriculum vitae de Marie lui avait tapé dans l’oeil. La quinquagénaire haute en couleur l’avait bombardé de recommandations pédantes. Marie nullement intimidée par ses quinze minutes de conseils n’avait retenu qu’une chose. La promesse d’embauche avait un prix. Marie se doutait qu’elle devrait y mettre beaucoup du sien si elle voulait conserver cette place. La ponctualité. Une attitude irréprochable. Peut-être faudrait-il sacrifier quelques heures supplémentaires ? Marie ferma les yeux. Elle craignait de comprendre avec effroi toute la signification de ce prix à payer. La peur de mourir coulait dans son cou.

Elle soupira longuement. Les pas s’arrêtèrent derrière son épaule. Elle résista à l’envie de crier, de pleurer. Son coeur bondissait dans la petite cage thoracique comme un oisillon cherchant à s’échapper de sa volière. 

Oh mon Dieu, faites qu’il ne me choisisse pas !

L’homme engoncé dans son manteau de cuir noir fit claquer ses talons. Marie ferma les yeux une nouvelle fois. Non pas moi. Pas moi, suppliait-elle répondant à la vague d’angoisse. Les boucles d’oreilles, deux diamants incandescents étaient parfaitement immobiles au sol. L‘écho des voix des passants cognait contre la vitrine. Un pan du cuir noir frôla la tête blonde patinée de la quinquagénaire. L’inquiétant masque de laine noire hésita.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité